01 octobre 2025

Numérique responsable : constats lourds, solutions concrètes

Le 2 octobre, la section Vaud de la Fédération suisse des entreprises (FSE) a réuni ses membres dans les bureaux de Liip à Lausanne pour parler de numérique responsable. Comme souvent, le constat de départ est rude : l’empreinte environnementale du numérique en Suisse est bien réelle et largement invisible.

Le 2 octobre, la section Vaud de la Fédération suisse des entreprises (FSE) a réuni ses membres dans les bureaux de Liip à Lausanne pour parler de numérique responsable. Comme souvent, le constat de départ est rude : l’empreinte environnementale du numérique en Suisse est bien réelle et largement invisible. Mais cette rencontre a aussi donné des pistes très concrètes pour faire autrement, et prouvé que certains modèles fonctionnent déjà.

1. L’impact du numérique en Suisse – Amaël Parreaux-Ey, Resilio

 

Pour la première fois, une étude menée par Resilio met des chiffres précis sur la table.

99% de la population utilise internet régulièrement.

En moyenne, chacun possède 8,5 terminaux (ordinateurs, smartphones, consoles, objets connectés) et passe 5h32 par jour en ligne.

Les équipements utilisateurs représentent 76% de l’empreinte carbone du numérique. Les datacenters, dont on parle souvent, ne pèsent “que” 4%.

Chaque année, le numérique équivaut à 2 millions de tonnes de CO₂ en Suisse – soit 40% des émissions générées par l’aviation au départ du pays. Le message est limpide : c’est surtout la fabrication du matériel qui pèse, et prolonger sa durée de vie est la clé.

Amaël Parreaux-Ey a insisté sur un point : si chacun attend que les autres fassent le premier pas, rien ne changera. L’avantage du numérique, c’est que nous avons tous des leviers d’action à portée de main. Concrètement, il a rappelé quelques gestes clés :

Pour les particuliers : garder son smartphone ou son ordinateur plus longtemps, préférer le matériel réparable ou de seconde main, réduire le nombre d’équipements utilisés, et choisir des fournisseurs responsables.

Pour les entreprises : mutualiser les appareils (par exemple avec le “Bring Your Own Device”), éviter le renouvellement systématique, intégrer des critères d’éco-conception dans les services numériques, et optimiser le stockage des données.

Pour les pouvoirs publics : améliorer la collecte et le recyclage local des déchets électroniques et garantir la récupération des matériaux.

L’impact numérique dépend directement de nos choix, individuels et collectifs.

Tous les détails sur cette étude : https://sustainableit.ch/ 

2. Fournir du matériel garanti 10 ans – Patrick Tundo, Assymba

 

Chez Assymba, le modèle est clair : fournir du matériel informatique avec une garantie de dix ans. Un engagement rare dans le secteur, qui implique une logistique solide de maintenance et de réparation, la disponibilité des pièces nécessaires pour prolonger la durée de vie, le remplacement uniquement si l’appareil est définitivement irréparable.

Aujourd’hui, plus de 435 ordinateurs sont utilisés par leurs clients. Ce modèle prouve deux choses :

C’est rentable. La garantie fidélise les clients sur la durée et sécurise l’activité de l’entreprise.

C’est efficace. Dix ans d’utilisation au lieu de deux ou trois réduisent drastiquement l’impact écologique.

Une démonstration qu’il est possible de sortir de la logique du “jetable” et de construire un modèle gagnant pour l’entreprise comme pour la planète.

3. Auditer pour agir – David Jeanmonod, Liip

 

Dernier intervenant, David Jeanmonod a montré comment Liip accompagne les entreprises pour auditer leur infrastructure IT. L’idée : dresser un inventaire complet (postes de travail, réseaux, datacenters, cloud), évaluer la maturité de l’organisation à travers 74 bonnes pratiques Green IT, puis proposer des mesures concrètes pour réduire l’impact.

Le numérique n’est pas immatériel : il s’incarne dans des serveurs, des câbles, des terminaux. Les choix faits à chaque niveau : achat, stockage, hébergement, usage, ont un poids réel.

Et maintenant ?

Chacun a un rôle à jouer !

Entreprises : repenser leurs modèles économiques pour sortir du “toujours plus”. Cela passe par la mutualisation des ressources (BYOD, partage d’infrastructures), l’intégration de critères de durabilité dans les achats et l’IT, le choix de partenaires d’hébergement responsables et, surtout, la transparence sur l’empreinte réelle de leurs services. Une entreprise qui ose se positionner sur la sobriété gagne non seulement en crédibilité, mais aussi en résilience.

Citoyens : nous pouvons agir directement en allongeant la durée de vie de nos appareils. Garder son téléphone 5 ou 6 ans plutôt que 2, réparer plutôt que remplacer, privilégier le reconditionné ou les marques qui garantissent la réparabilité (Fairphone, Framework, etc.). Réduire le nombre d’équipements superflus, nettoyer ses données stockées inutilement, limiter l’usage du streaming en haute définition quand ce n’est pas nécessaire, et privilégier le Wi-Fi plutôt que la 4G/5G pour consommer moins d’énergie.

Pouvoirs publics : leur rôle est de créer un cadre qui incite et régule. Cela peut être par des normes sur la durée minimale de garantie, des incitations fiscales pour l’achat de matériel durable, un soutien aux filières de réparation et de reconditionnement locales, ou encore une régulation plus stricte des datacenters. Les politiques publiques ont le pouvoir d’accélérer la transition et de rendre la sobriété numérique accessible au plus grand nombre. 

Quelques questions à se poser, individuellement et collectivement :

 

  • Quelle est notre véritable utilisation du numérique au quotidien ?
  • Est-ce que je garde mes appareils tant qu’ils fonctionnent, ou est-ce que je les change “par habitude” ?
  • Ai-je déjà essayé de faire réparer un appareil au lieu d’en acheter un neuf ?
  • Est-ce que je sais où sont stockées mes données et quel impact cela a ?
  • Est-ce que je me sens concerné par l’impact de mon usage numérique ?
  • Ai-je envie de changer certaines habitudes ? Si oui, pourquoi ? Si non, pourquoi ?
  • Quelles sont les applis ou services dont je pourrais me passer sans que cela ne change vraiment ma vie ?
  • Dans mon entreprise, est-ce que le numérique est pensé comme un outil durable ou seulement comme un poste de dépense ?

Pour terminer, ce qui ressort de cette rencontre, c’est qu’au-delà de l’impact écologique, il y a aussi un enjeu financier. 

Prolonger la durée de vie de nos équipements, choisir des partenaires responsables, réduire le superflu : tout cela permet d’économiser des ressources, mais aussi de l’argent.

Nous avons toutes et tous à gagner à entrer dans une logique de sobriété numérique. Non pas une sobriété punitive, mais une sobriété intelligente, qui nous fait consommer moins mais mieux.

Certes, les grandes entreprises, bâties sur un modèle linéaire, continueront à nous pousser à acheter, remplacer, consommer toujours plus. Mais nous savons bien que ce n’est pas ça qui nous rendra plus heureux. 

Au contraire : choisir la durabilité, c’est choisir un numérique qui a du sens, pour nous comme pour la planète.